Encré dans le temps et l’espace : exploration sur la documentalité du tatouage
Alexandre Fortier (alexandre.fortier@mail.mcgill.ca)
Elaine Ménard (elaine.menard@mcgill.ca)
Université McGill, École des sciences de l’information
Résumé
Le tatouage est considéré comme un moyen de communication non verbale dont le sens varie d’une personne à l’autre. Les messages qu’il transmet à un auditoire plus ou moins public selon les endroits où ils se trouvent marquent en permanence — tout en étant modifiables et effaçables — la peau de celui qui le porte. Ce projet examine le tatouage en tant que document. Pour définir le « document », le questionnement se porte désormais sur la construction sociale de son sens, la perception de celui qui l’examine et sur sa transmission d’information. La complémentarité d’un aspect matériel, d’un aspect mental et d’un aspect social sert de cadre conceptuel à l’analyse. Les données ont été collectées par le biais de 18 entrevues en profondeur où des adultes tatouées ont été invitées à parler de l’histoire de chacun de leurs tatouages, des éléments qui les composent et du choix de leur localisation. Une attention particulière a été apportée au sens transmis par le tatouage au moment de sa création par rapport à celui donné aujourd’hui. Les 88 tatouages présentés servent d’unités d’analyse et ils ont été examinés par une analyse de contenu basée sur la théorisation ancrée. Les aspects mental et social se sont avérés plus pertinents pour déterminer la documentalité du tatouage. L’analyse de l’aspect mental du tatouage indique que les participants distinguent nettement les tatouages porteurs de sens de ceux réalisés à des fins purement esthétiques, et que les deux types peuvent cohabiter. Elle souligne également, pour ceux porteurs de sens, l’importance de la conservation de l’aspect original du tatouage, même lorsque visuellement mal-aimé ou associé à de mauvais souvenirs. L’analyse de l’aspect social se divise en deux sous-aspects : le choix de l’emplacement et celui des éléments qui, réunis, composent une stratégie de communication mûrement réfléchie.
Abstract
Tattoos are considered to be a non-verbal communication means for which the sense varies from one person to another. Messages transmitted by tattoos to an audience differs according to their localization permanently marked—while being alterable or erasable—the skin of those who wear them. This project examines tattoos as documents. To define the « document », the questioning has now shifted to the social construction of its meaning, the viewer’s perception of the significance and the evidential character. The complementarity of material, mental and social aspects is used as a framework for the analysis. Data were collected though 18 in-depth interviews where tattooed adults were asked to talk about the story behind each of their tattoos, the visual elements and the choice of localization. Special attention was given to the initial meaning of respondent’s tattoo and whether it had changed over time. The 88 tattoos described were used as units of analysis and have been examined though content analysis based on a grounded theory approach. The mental and social aspects were deemed more pertinent to determine the documentality of tattoos. The analysis of the mental aspect indicated that participants make a clear distinction between meaningful tattoos and those that are purely aesthetic; and that these two kinds can cohabit. It also highlighted the importance of maintaining the original aspects of the meaningful tattoos, even if their bearers do not like them anymore, or if it they are associated with some bad memories. The analysis of the social aspect is divided into two sub-aspects: the choice of the localization on the body, and the visual elements which, united, form a carefully thought communication strategy.